
L’Etat est-il complice des mauvais payeurs ?
Par Thierry Gingembre, Président de l’ANCR
Chaque année, notre Syndicat l’ANCR qui regroupe la majorité des Cabinets de Recouvrement de Créances réalise une étude à destination de ses membres et des décideurs publics et privés.
Cette année, nous avions décidé de nous pencher sur les incidents de paiement liés aux particuliers. Car si, depuis quelques années, le législateur sanctionne sévèrement le retardataire professionnel en mettant à sa charge les frais de recouvrement générés par l’impayé et ce, en accentuant la pratique du « Name and Shame », il n’en est rien pour le retardataire particulier qui échappe à toutes sanctions.
En effet, même si on fait souvent référence aux échanges inter-entreprises quand on évoque le fléau des impayés, les contentieux liés aux relations commerciales entre particuliers et entreprises est loin d’être négligeable. Pire encore, le phénomène connaît une aggravation constante avec la dématérialisation des échanges.
C’est en voulant creuser ce sujet que nous avons fait une étonnante découverte. Le cabinet spécialisé que nous avions mandaté afin d’aller chercher dans les chiffres, les conséquences macroéconomiques d’une telle impunité vis-à-vis des particuliers, a constaté l’absence complète de données statistiques disponibles au sein des différentes agences gouvernementales.
Montant global et montant unitaire des impayés B to C sont complètement absents des bases traditionnelles (Eurostat, Insee, FICP, OCDE) ou institutionnelles (Assemblée Nationale, Sénat, portail européen des données). Pourquoi un tel laxisme des autorités vis à vis d’une situation qui ne peut qu’aller en s’aggravant avec l’explosion des échanges dématérialisés ?
Avant toute chose, il est utile de rappeler que des directives européennes relativement récentes ont permis de sanctionner financièrement les auteurs d’impayés en mettant à leur charge une pénalité de 40 € par facture impayée ainsi que tous frais engagés par le créancier pour recouvrer son dû. Toutefois, ces dispositions ne concernaient que les impayés survenus dans des transactions effectuées entre professionnels. Il n’en est rien en matière de relations Business to Consumer. Sauf à ce que soit engagée contre lui une procédure judiciaire, le débiteur particulier s’il génère un impayé échappe à toute sanction financière.
Pire encore, le droit français spécifie que les frais de recouvrement amiable engagés par un professionnel pour amener un consommateur à régler sa dette, restent à la charge du créancier.
Quand on a conscience des coûts de la justice et du montant moyen unitaire des transactions en B to C qui n’atteint généralement pas la barre des 100 €, il est facile de comprendre que la France est un paradis pour les mauvais payeurs.
Quels sont les premiers impactés ?
- Les professionnels, les commerçants, les entreprises et startups qui œuvrent dans le B to C, voient leur pérennité pour certains gravement menacée par le phénomène.
- D’un autre côté, leurs clients bon payeurs voient les coûts de ces impayés répercutés sur les biens et services qu’ils achètent.
- Enfin, l’Etat qui doit subir un manque à gagner important en matière de TVA et d’Impôt sur les sociétés.
Face à cette situation, nous souhaitons qu’il soit mis fin, rapidement et logiquement, à cette immunité socialement condamnable et économiquement nocive.
Pour ce faire, nous allons engager des travaux et des discussions avec les autorités concernées, afin de mettre à terme en place un système de sanctions financières comparable à ce qui existe dans le B to B ainsi que des outils pour mesurer avec précision l’impact des retards de paiements et des impayés générés par les particuliers.